Canal+ Cinéma DROM : Programme TV de la chaîne Canal+ Cinéma DROM
En ce moment sur Canal+ Cinéma DROM :
19h07 Fin des programmes
Fin 1h16 Tout publicÀ suivre, dès 20h23 : + de courts (Rediffusion)
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Ce soir sur Canal+ Cinéma DROM :
21h24 Le bonheur est pour demain
Rediffusion Film : drame 1h35 -10Engagée dans une relation monotone avec un conjoint tyrannique, Sophie subit son morne quotidien. La vie de la mère de famille bascule quand elle croise la route de Claude, un séduisant et mystérieux quadragénaire. Sous le charme, elle ne tarde pas à découvrir que ce dernier est en réalité un braqueur de banque. Peu après le début de leur idylle, Claude est arrêté à la suite d'un hold-up qui a très mal tourné et durant lequel un homme a perdu la vie. Il est incarcéré après avoir été condamné à une lourde peine. Bouleversée, Sophie refuse pourtant de renoncer à cet amour impossible, soutenue par la mère de son amant... - Critique : On se souvient de la mère fantasque et fleur bleue qu’avait imaginée Louis Garrel pour le jeune homme qu’il jouait dans son film, L’Innocent (2022) : une femme qui donnait des cours de théâtre en prison, comme l’avait fait la vraie maman de l’acteur, Brigitte Sy. C’est elle, cette fois, qui vient nous parler d’amour en milieu carcéral. Le ton n’est plus à la comédie, la réalisatrice fait vibrer des émois avec lesquels on ne badine pas : la fatale attraction qui naît, dans un bar, entre Sophie (Laetitia Casta) et Claude (Damien Bonnard). Il n’a pas de métier, il « bricole », et elle n’est que « la femme à José », un autre petit voyou. Mais sur l’écran, Sophie et Claude sont beaux comme Marlene Dietrich et Jean Gabin. Leurs regards les aimantent, leurs sourires débordent de désir. Et que lui se retrouve, un sale matin, derrière les barreaux n’y changera rien. Un peu d’éternité passe dans ce film, qui commence dans les années 1990 et traverse le long temps de la séparation en préservant une vision presque à l’ancienne de la pègre et de la relation romantique, montrée dans sa noblesse d’âme. À travers Sophie, qui parle de Claude comme d’un « mec du XIXᵉ siècle », et à travers la mère de celui-ci, beau personnage d’ex-toxicomane joué par Béatrice Dalle, Brigitte Sy s’intéresse à des sentiments intemporels. Elle raconte l’amour des femmes, en dit la force admirable et parfois dangereuse, tant la générosité du cœur peut aller de pair avec une forme d’aveuglement… Par-delà des péripéties de film de gangsters un peu trop simplifiées, Le bonheur est pour demain interroge avec beaucoup de vérité les paradoxes du manque affectif, moteur et obstacle dans la passion vécue au parloir, puisque la prison, à la fois, attise l’envie d’être ensemble et en prolonge l’impossibilité. Un regard féminin engagé et subtil, porté par des interprètes enthousiasmants.
22h59 Winter Break
Rediffusion Film : comédie dramatique 2h9 Tout publicNouvelle-Angleterre, en 1970. Professeur d'histoire ancienne au prestigieux lycée Barton, un établissement privé réservé aux garçons, Paul Hunham apprend avec désarroi qu'il a été désigné par la direction pour surveiller les quelques élèves qui resteront dans le lycée pendant les fêtes de fin d'année. Peu sociable et aigri, l'homme accepte difficilement son sort, d'autant plus qu'un seul et unique élève passera finalement Noël sur place : le peu commode Angus, réputé pour son insubordination. Inévitablement, la cohabitation forcée commence par quelques menues frictions. Mais les vacances finissent vite par prendre une tournure inattendue... - Critique : Monsieur Hunham est le type de professeur qu’aucun élève ne rêverait d’avoir. Sadique, pédant, à la fois bourru et d’une ironie cuisante, il sifflote La Chevauchée des Walkyries en rendant les copies estampillées de notes presque nulles. Ce triste sire qui enseigne l’histoire antique dans un internat prestigieux n’est aimé par personne, pas même de ses collègues qui l’ont surnommé « Neunœil », en référence à son strabisme disgracieux lui faisant une tête de poisson. Monsieur Hunham (Paul Giamatti, inénarrable) collectionne les défauts, mais il faut lui reconnaître au moins une qualité : opposé aux privilèges dus à l’argent, il est resté intègre. Trop, sans doute, aux yeux de son directeur, qui lui reproche d’avoir mal noté le fils d’un sénateur, lequel était fort contrarié — sous-entendu du grief : le budget de l’établissement privé risque d’en pâtir. Puni de son zèle, voilà monsieur Hunham contraint d’assurer la permanence du campus de Barton durant les vacances de Noël. Pour encadrer les quatre élèves malchanceux qui n’ont nulle part où aller. Ce campus d’excellence de la Nouvelle-Angleterre, cette époque de l’hiver 1970 et ces personnages font irrésistiblement penser au cinéma du Nouvel Hollywood, de Hal Ashby à Mike Nichols. Au générique, le réalisateur Alexander Payne s’amuse d’ailleurs à faire comme si c’était un vieux film, à travers une bande-son grésillante, une image rayée et un graphisme rétro. Bref hommage, sous forme ludique, rien de plus. Car le film ne capitalise pas sur la nostalgie facile de l’époque et sa ribambelle de fétiches, malgré une BO sophistiquée (Labi Siffre, Cat Stevens, Shocking Blue). Pour une raison simple : le professeur Paul Hunham, engoncé dans ses vieux habits classiques, n’est pas vraiment de son temps. Les élèves de Barton guère plus d’ailleurs : fils de très bonne famille arborant le look bon chic, bon genre intemporel, ils se doivent de tous rentrer dans le même moule conformiste. L’un d’eux, pourtant, sort du lot. Angus est moins « béotien » (le sarcasme favori de monsieur Hunham) que les autres. Mais cet élève intelligent est vulnérable et fort turbulent. Or c’est lui qui est finalement le seul à rester pour Noël, les trois autres bénéficiant entre-temps d’un départ insolent en hélicoptère pour des vacances de luxe. Voici donc le professeur vachard et l’élève récalcitrant condamnés à cohabiter. À ces deux relégués, il faut ajouter la cuisinière en chef de l’école, une femme noire qui vient de perdre son fils dans la guerre du Vietnam, après avoir enterré, des années auparavant, son mari. Plus d’une aurait sombré, elle, elle tient bon — le whisky l’aide sans doute un peu. À chacun ses béquilles. Ces trois-là sont des anti-héros peu gâtés par la vie. De ceux, maudits ou ratés, pathétiques mais rendus drôles, qu’affectionne Alexander Payne. Souvenons-nous du sexagénaire dépressif (Jack Nicholson dans Monsieur Schmidt), des deux amis quadras oubliant leur déconfiture dans du bon vin (Sideways) ou de l’avocat ridicule en chemise hawaïenne dépassé par les événements (Georges Clooney dans The Descendants). Dans Winter Break, les brebis galeuses forment un trio improbable, elles n’ont rien en commun a priori — pas la même couleur de peau, pas le même âge, pas la même histoire. De là l’intérêt majeur du scénario (signé David Hemingson), qui fait en sorte de les rapprocher en révélant une qualité commune : une forme d’empathie, plus ou moins enfouie, sour leur carapace endurcie. Des dialogues savoureux Il est probable que Paul Hunham lui-même ne pensait plus l’avoir en lui, cette empathie, puisque son rigorisme confine à la misanthropie. L’habileté d’Alexander Payne est de nous rendre peu à peu attachant ce personnage rebutant — jusque dans l’odeur de poisson qu’il dégage, en raison d’une pathologie rare. À la faveur d’un passage cocasse à l’hôpital, des fêtes de Noël et d’un court séjour à Boston, des échanges de plus en plus intimes s’établissent entre lui et Angus, pauvre garçon délaissé. Crève-cœur, le film pourrait l’être, s’il ne tenait pas à distance le pathos et la mièvrerie, gardant son cap sur le tragi-comique de l’existence. L’humour, salvateur, est indémêlable ici d’une forme de tendresse, pudique et douce-amère. Difficile de résister aux dialogues pleins d’esprit, aux allusions à Marc Aurèle ou à Cicéron, aux insultes baroques (« Vous avez toujours été un cancer du pénis sous forme humaine ») et à l’émotion qui nous saisit, par surprise. Cette comédie très humaine a ceci d’étonnant qu’elle conduit finalement à un joli paradoxe : c’est en poussant jusqu’au bout la logique stoïcienne de son sens du devoir que monsieur Hunham rompt, non sans panache, avec son ascétisme. Moralité : il n’y a vraiment pas d’âge pour faire sa révolution. PAUL GIAMATTI, BRILLANT OUTSIDERUn acteur familier et aimé, au nom mal connu. Depuis une trentaine d’années, moustachu joufflu ou barbichu, Paul Giamatti s’est surtout distingué dans des seconds rôles, truculents ou sérieux. Il lui est arrivé d’être au premier plan. Dans American Splendor (2003), il compose un formidable Harvey Pekar, ce pauvre type cradingue devenu scénariste cinglant de BD. Alexander Payne avait déjà fait appel à lui il y a vingt ans, pour Sideways, où il était irrésistible en prof tourmenté par son divorce et ses velléités d’écriture. Diplômé de Yale dans la vraie vie, comédien talentueux capable de tout jouer, Paul Giamatti possède cette qualité rare : l’absence de narcissisme. Son physique n’obéit pas aux canons de la beauté, et il en rajoute volontiers, prenant un malin plaisir à s’enlaidir. Voir ce grand moment, dans Winter Break, où, fou de rage, il désigne à son ennemi celui de ses deux yeux, aux directions divergentes, qu’il faut regarder. Et sinon, gare à lui !
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21h24 Le bonheur est pour demain
Rediffusion Film : drame 1h35 -10Engagée dans une relation monotone avec un conjoint tyrannique, Sophie subit son morne quotidien. La vie de la mère de famille bascule quand elle croise la route de Claude, un séduisant et mystérieux quadragénaire. Sous le charme, elle ne tarde pas à découvrir que ce dernier est en réalité un braqueur de banque. Peu après le début de leur idylle, Claude est arrêté à la suite d'un hold-up qui a très mal tourné et durant lequel un homme a perdu la vie. Il est incarcéré après avoir été condamné à une lourde peine. Bouleversée, Sophie refuse pourtant de renoncer à cet amour impossible, soutenue par la mère de son amant... - Critique : On se souvient de la mère fantasque et fleur bleue qu’avait imaginée Louis Garrel pour le jeune homme qu’il jouait dans son film, L’Innocent (2022) : une femme qui donnait des cours de théâtre en prison, comme l’avait fait la vraie maman de l’acteur, Brigitte Sy. C’est elle, cette fois, qui vient nous parler d’amour en milieu carcéral. Le ton n’est plus à la comédie, la réalisatrice fait vibrer des émois avec lesquels on ne badine pas : la fatale attraction qui naît, dans un bar, entre Sophie (Laetitia Casta) et Claude (Damien Bonnard). Il n’a pas de métier, il « bricole », et elle n’est que « la femme à José », un autre petit voyou. Mais sur l’écran, Sophie et Claude sont beaux comme Marlene Dietrich et Jean Gabin. Leurs regards les aimantent, leurs sourires débordent de désir. Et que lui se retrouve, un sale matin, derrière les barreaux n’y changera rien. Un peu d’éternité passe dans ce film, qui commence dans les années 1990 et traverse le long temps de la séparation en préservant une vision presque à l’ancienne de la pègre et de la relation romantique, montrée dans sa noblesse d’âme. À travers Sophie, qui parle de Claude comme d’un « mec du XIXᵉ siècle », et à travers la mère de celui-ci, beau personnage d’ex-toxicomane joué par Béatrice Dalle, Brigitte Sy s’intéresse à des sentiments intemporels. Elle raconte l’amour des femmes, en dit la force admirable et parfois dangereuse, tant la générosité du cœur peut aller de pair avec une forme d’aveuglement… Par-delà des péripéties de film de gangsters un peu trop simplifiées, Le bonheur est pour demain interroge avec beaucoup de vérité les paradoxes du manque affectif, moteur et obstacle dans la passion vécue au parloir, puisque la prison, à la fois, attise l’envie d’être ensemble et en prolonge l’impossibilité. Un regard féminin engagé et subtil, porté par des interprètes enthousiasmants.
22h59 Winter Break
Rediffusion Film : comédie dramatique 2h9 Tout publicNouvelle-Angleterre, en 1970. Professeur d'histoire ancienne au prestigieux lycée Barton, un établissement privé réservé aux garçons, Paul Hunham apprend avec désarroi qu'il a été désigné par la direction pour surveiller les quelques élèves qui resteront dans le lycée pendant les fêtes de fin d'année. Peu sociable et aigri, l'homme accepte difficilement son sort, d'autant plus qu'un seul et unique élève passera finalement Noël sur place : le peu commode Angus, réputé pour son insubordination. Inévitablement, la cohabitation forcée commence par quelques menues frictions. Mais les vacances finissent vite par prendre une tournure inattendue... - Critique : Monsieur Hunham est le type de professeur qu’aucun élève ne rêverait d’avoir. Sadique, pédant, à la fois bourru et d’une ironie cuisante, il sifflote La Chevauchée des Walkyries en rendant les copies estampillées de notes presque nulles. Ce triste sire qui enseigne l’histoire antique dans un internat prestigieux n’est aimé par personne, pas même de ses collègues qui l’ont surnommé « Neunœil », en référence à son strabisme disgracieux lui faisant une tête de poisson. Monsieur Hunham (Paul Giamatti, inénarrable) collectionne les défauts, mais il faut lui reconnaître au moins une qualité : opposé aux privilèges dus à l’argent, il est resté intègre. Trop, sans doute, aux yeux de son directeur, qui lui reproche d’avoir mal noté le fils d’un sénateur, lequel était fort contrarié — sous-entendu du grief : le budget de l’établissement privé risque d’en pâtir. Puni de son zèle, voilà monsieur Hunham contraint d’assurer la permanence du campus de Barton durant les vacances de Noël. Pour encadrer les quatre élèves malchanceux qui n’ont nulle part où aller. Ce campus d’excellence de la Nouvelle-Angleterre, cette époque de l’hiver 1970 et ces personnages font irrésistiblement penser au cinéma du Nouvel Hollywood, de Hal Ashby à Mike Nichols. Au générique, le réalisateur Alexander Payne s’amuse d’ailleurs à faire comme si c’était un vieux film, à travers une bande-son grésillante, une image rayée et un graphisme rétro. Bref hommage, sous forme ludique, rien de plus. Car le film ne capitalise pas sur la nostalgie facile de l’époque et sa ribambelle de fétiches, malgré une BO sophistiquée (Labi Siffre, Cat Stevens, Shocking Blue). Pour une raison simple : le professeur Paul Hunham, engoncé dans ses vieux habits classiques, n’est pas vraiment de son temps. Les élèves de Barton guère plus d’ailleurs : fils de très bonne famille arborant le look bon chic, bon genre intemporel, ils se doivent de tous rentrer dans le même moule conformiste. L’un d’eux, pourtant, sort du lot. Angus est moins « béotien » (le sarcasme favori de monsieur Hunham) que les autres. Mais cet élève intelligent est vulnérable et fort turbulent. Or c’est lui qui est finalement le seul à rester pour Noël, les trois autres bénéficiant entre-temps d’un départ insolent en hélicoptère pour des vacances de luxe. Voici donc le professeur vachard et l’élève récalcitrant condamnés à cohabiter. À ces deux relégués, il faut ajouter la cuisinière en chef de l’école, une femme noire qui vient de perdre son fils dans la guerre du Vietnam, après avoir enterré, des années auparavant, son mari. Plus d’une aurait sombré, elle, elle tient bon — le whisky l’aide sans doute un peu. À chacun ses béquilles. Ces trois-là sont des anti-héros peu gâtés par la vie. De ceux, maudits ou ratés, pathétiques mais rendus drôles, qu’affectionne Alexander Payne. Souvenons-nous du sexagénaire dépressif (Jack Nicholson dans Monsieur Schmidt), des deux amis quadras oubliant leur déconfiture dans du bon vin (Sideways) ou de l’avocat ridicule en chemise hawaïenne dépassé par les événements (Georges Clooney dans The Descendants). Dans Winter Break, les brebis galeuses forment un trio improbable, elles n’ont rien en commun a priori — pas la même couleur de peau, pas le même âge, pas la même histoire. De là l’intérêt majeur du scénario (signé David Hemingson), qui fait en sorte de les rapprocher en révélant une qualité commune : une forme d’empathie, plus ou moins enfouie, sour leur carapace endurcie. Des dialogues savoureux Il est probable que Paul Hunham lui-même ne pensait plus l’avoir en lui, cette empathie, puisque son rigorisme confine à la misanthropie. L’habileté d’Alexander Payne est de nous rendre peu à peu attachant ce personnage rebutant — jusque dans l’odeur de poisson qu’il dégage, en raison d’une pathologie rare. À la faveur d’un passage cocasse à l’hôpital, des fêtes de Noël et d’un court séjour à Boston, des échanges de plus en plus intimes s’établissent entre lui et Angus, pauvre garçon délaissé. Crève-cœur, le film pourrait l’être, s’il ne tenait pas à distance le pathos et la mièvrerie, gardant son cap sur le tragi-comique de l’existence. L’humour, salvateur, est indémêlable ici d’une forme de tendresse, pudique et douce-amère. Difficile de résister aux dialogues pleins d’esprit, aux allusions à Marc Aurèle ou à Cicéron, aux insultes baroques (« Vous avez toujours été un cancer du pénis sous forme humaine ») et à l’émotion qui nous saisit, par surprise. Cette comédie très humaine a ceci d’étonnant qu’elle conduit finalement à un joli paradoxe : c’est en poussant jusqu’au bout la logique stoïcienne de son sens du devoir que monsieur Hunham rompt, non sans panache, avec son ascétisme. Moralité : il n’y a vraiment pas d’âge pour faire sa révolution. PAUL GIAMATTI, BRILLANT OUTSIDERUn acteur familier et aimé, au nom mal connu. Depuis une trentaine d’années, moustachu joufflu ou barbichu, Paul Giamatti s’est surtout distingué dans des seconds rôles, truculents ou sérieux. Il lui est arrivé d’être au premier plan. Dans American Splendor (2003), il compose un formidable Harvey Pekar, ce pauvre type cradingue devenu scénariste cinglant de BD. Alexander Payne avait déjà fait appel à lui il y a vingt ans, pour Sideways, où il était irrésistible en prof tourmenté par son divorce et ses velléités d’écriture. Diplômé de Yale dans la vraie vie, comédien talentueux capable de tout jouer, Paul Giamatti possède cette qualité rare : l’absence de narcissisme. Son physique n’obéit pas aux canons de la beauté, et il en rajoute volontiers, prenant un malin plaisir à s’enlaidir. Voir ce grand moment, dans Winter Break, où, fou de rage, il désigne à son ennemi celui de ses deux yeux, aux directions divergentes, qu’il faut regarder. Et sinon, gare à lui !
Ce soir sur Canal+ Cinéma DROM :
21h24 Le bonheur est pour demain
Rediffusion Film : drame 1h35 -10Engagée dans une relation monotone avec un conjoint tyrannique, Sophie subit son morne quotidien. La vie de la mère de famille bascule quand elle croise la route de Claude, un séduisant et mystérieux quadragénaire. Sous le charme, elle ne tarde pas à découvrir que ce dernier est en réalité un braqueur de banque. Peu après le début de leur idylle, Claude est arrêté à la suite d'un hold-up qui a très mal tourné et durant lequel un homme a perdu la vie. Il est incarcéré après avoir été condamné à une lourde peine. Bouleversée, Sophie refuse pourtant de renoncer à cet amour impossible, soutenue par la mère de son amant... - Critique : On se souvient de la mère fantasque et fleur bleue qu’avait imaginée Louis Garrel pour le jeune homme qu’il jouait dans son film, L’Innocent (2022) : une femme qui donnait des cours de théâtre en prison, comme l’avait fait la vraie maman de l’acteur, Brigitte Sy. C’est elle, cette fois, qui vient nous parler d’amour en milieu carcéral. Le ton n’est plus à la comédie, la réalisatrice fait vibrer des émois avec lesquels on ne badine pas : la fatale attraction qui naît, dans un bar, entre Sophie (Laetitia Casta) et Claude (Damien Bonnard). Il n’a pas de métier, il « bricole », et elle n’est que « la femme à José », un autre petit voyou. Mais sur l’écran, Sophie et Claude sont beaux comme Marlene Dietrich et Jean Gabin. Leurs regards les aimantent, leurs sourires débordent de désir. Et que lui se retrouve, un sale matin, derrière les barreaux n’y changera rien. Un peu d’éternité passe dans ce film, qui commence dans les années 1990 et traverse le long temps de la séparation en préservant une vision presque à l’ancienne de la pègre et de la relation romantique, montrée dans sa noblesse d’âme. À travers Sophie, qui parle de Claude comme d’un « mec du XIXᵉ siècle », et à travers la mère de celui-ci, beau personnage d’ex-toxicomane joué par Béatrice Dalle, Brigitte Sy s’intéresse à des sentiments intemporels. Elle raconte l’amour des femmes, en dit la force admirable et parfois dangereuse, tant la générosité du cœur peut aller de pair avec une forme d’aveuglement… Par-delà des péripéties de film de gangsters un peu trop simplifiées, Le bonheur est pour demain interroge avec beaucoup de vérité les paradoxes du manque affectif, moteur et obstacle dans la passion vécue au parloir, puisque la prison, à la fois, attise l’envie d’être ensemble et en prolonge l’impossibilité. Un regard féminin engagé et subtil, porté par des interprètes enthousiasmants.
22h59 Winter Break
Rediffusion Film : comédie dramatique 2h9 Tout publicNouvelle-Angleterre, en 1970. Professeur d'histoire ancienne au prestigieux lycée Barton, un établissement privé réservé aux garçons, Paul Hunham apprend avec désarroi qu'il a été désigné par la direction pour surveiller les quelques élèves qui resteront dans le lycée pendant les fêtes de fin d'année. Peu sociable et aigri, l'homme accepte difficilement son sort, d'autant plus qu'un seul et unique élève passera finalement Noël sur place : le peu commode Angus, réputé pour son insubordination. Inévitablement, la cohabitation forcée commence par quelques menues frictions. Mais les vacances finissent vite par prendre une tournure inattendue... - Critique : Monsieur Hunham est le type de professeur qu’aucun élève ne rêverait d’avoir. Sadique, pédant, à la fois bourru et d’une ironie cuisante, il sifflote La Chevauchée des Walkyries en rendant les copies estampillées de notes presque nulles. Ce triste sire qui enseigne l’histoire antique dans un internat prestigieux n’est aimé par personne, pas même de ses collègues qui l’ont surnommé « Neunœil », en référence à son strabisme disgracieux lui faisant une tête de poisson. Monsieur Hunham (Paul Giamatti, inénarrable) collectionne les défauts, mais il faut lui reconnaître au moins une qualité : opposé aux privilèges dus à l’argent, il est resté intègre. Trop, sans doute, aux yeux de son directeur, qui lui reproche d’avoir mal noté le fils d’un sénateur, lequel était fort contrarié — sous-entendu du grief : le budget de l’établissement privé risque d’en pâtir. Puni de son zèle, voilà monsieur Hunham contraint d’assurer la permanence du campus de Barton durant les vacances de Noël. Pour encadrer les quatre élèves malchanceux qui n’ont nulle part où aller. Ce campus d’excellence de la Nouvelle-Angleterre, cette époque de l’hiver 1970 et ces personnages font irrésistiblement penser au cinéma du Nouvel Hollywood, de Hal Ashby à Mike Nichols. Au générique, le réalisateur Alexander Payne s’amuse d’ailleurs à faire comme si c’était un vieux film, à travers une bande-son grésillante, une image rayée et un graphisme rétro. Bref hommage, sous forme ludique, rien de plus. Car le film ne capitalise pas sur la nostalgie facile de l’époque et sa ribambelle de fétiches, malgré une BO sophistiquée (Labi Siffre, Cat Stevens, Shocking Blue). Pour une raison simple : le professeur Paul Hunham, engoncé dans ses vieux habits classiques, n’est pas vraiment de son temps. Les élèves de Barton guère plus d’ailleurs : fils de très bonne famille arborant le look bon chic, bon genre intemporel, ils se doivent de tous rentrer dans le même moule conformiste. L’un d’eux, pourtant, sort du lot. Angus est moins « béotien » (le sarcasme favori de monsieur Hunham) que les autres. Mais cet élève intelligent est vulnérable et fort turbulent. Or c’est lui qui est finalement le seul à rester pour Noël, les trois autres bénéficiant entre-temps d’un départ insolent en hélicoptère pour des vacances de luxe. Voici donc le professeur vachard et l’élève récalcitrant condamnés à cohabiter. À ces deux relégués, il faut ajouter la cuisinière en chef de l’école, une femme noire qui vient de perdre son fils dans la guerre du Vietnam, après avoir enterré, des années auparavant, son mari. Plus d’une aurait sombré, elle, elle tient bon — le whisky l’aide sans doute un peu. À chacun ses béquilles. Ces trois-là sont des anti-héros peu gâtés par la vie. De ceux, maudits ou ratés, pathétiques mais rendus drôles, qu’affectionne Alexander Payne. Souvenons-nous du sexagénaire dépressif (Jack Nicholson dans Monsieur Schmidt), des deux amis quadras oubliant leur déconfiture dans du bon vin (Sideways) ou de l’avocat ridicule en chemise hawaïenne dépassé par les événements (Georges Clooney dans The Descendants). Dans Winter Break, les brebis galeuses forment un trio improbable, elles n’ont rien en commun a priori — pas la même couleur de peau, pas le même âge, pas la même histoire. De là l’intérêt majeur du scénario (signé David Hemingson), qui fait en sorte de les rapprocher en révélant une qualité commune : une forme d’empathie, plus ou moins enfouie, sour leur carapace endurcie. Des dialogues savoureux Il est probable que Paul Hunham lui-même ne pensait plus l’avoir en lui, cette empathie, puisque son rigorisme confine à la misanthropie. L’habileté d’Alexander Payne est de nous rendre peu à peu attachant ce personnage rebutant — jusque dans l’odeur de poisson qu’il dégage, en raison d’une pathologie rare. À la faveur d’un passage cocasse à l’hôpital, des fêtes de Noël et d’un court séjour à Boston, des échanges de plus en plus intimes s’établissent entre lui et Angus, pauvre garçon délaissé. Crève-cœur, le film pourrait l’être, s’il ne tenait pas à distance le pathos et la mièvrerie, gardant son cap sur le tragi-comique de l’existence. L’humour, salvateur, est indémêlable ici d’une forme de tendresse, pudique et douce-amère. Difficile de résister aux dialogues pleins d’esprit, aux allusions à Marc Aurèle ou à Cicéron, aux insultes baroques (« Vous avez toujours été un cancer du pénis sous forme humaine ») et à l’émotion qui nous saisit, par surprise. Cette comédie très humaine a ceci d’étonnant qu’elle conduit finalement à un joli paradoxe : c’est en poussant jusqu’au bout la logique stoïcienne de son sens du devoir que monsieur Hunham rompt, non sans panache, avec son ascétisme. Moralité : il n’y a vraiment pas d’âge pour faire sa révolution. PAUL GIAMATTI, BRILLANT OUTSIDERUn acteur familier et aimé, au nom mal connu. Depuis une trentaine d’années, moustachu joufflu ou barbichu, Paul Giamatti s’est surtout distingué dans des seconds rôles, truculents ou sérieux. Il lui est arrivé d’être au premier plan. Dans American Splendor (2003), il compose un formidable Harvey Pekar, ce pauvre type cradingue devenu scénariste cinglant de BD. Alexander Payne avait déjà fait appel à lui il y a vingt ans, pour Sideways, où il était irrésistible en prof tourmenté par son divorce et ses velléités d’écriture. Diplômé de Yale dans la vraie vie, comédien talentueux capable de tout jouer, Paul Giamatti possède cette qualité rare : l’absence de narcissisme. Son physique n’obéit pas aux canons de la beauté, et il en rajoute volontiers, prenant un malin plaisir à s’enlaidir. Voir ce grand moment, dans Winter Break, où, fou de rage, il désigne à son ennemi celui de ses deux yeux, aux directions divergentes, qu’il faut regarder. Et sinon, gare à lui !